Ces giratoires qui nous font tourner la tête !

Descentes périlleuses, gravillons, revêtements dégradés ou en surchauffe, ronds-points, rétrécissements, chicanes et potelets en tous genres, voilà le quotidien parfois très dangereux croisé par un peloton.
On ne compte plus ni les écarts ni les chutes, aussi bien chez les professionnels que chez les aficionados de la petite Reine.
En 1995, Fabio Casartelli perd la vie contre les funestes parapets qui longent la descente du Portet d’Aspet : l’impérative nécessité d’organiser au mieux la sécurité de la caravane du Tour et d’apporter à la course une meilleure lisibilité du parcours devient alors une évidence.
En 1996, au départ d’Hertogenbosch, le partenariat entre la Société du Tour de France et le Ministère de l’Equipement est scellé. Des protections (bottes de paille emballées) sont imaginées, 12 modèles de panneaux mis au point et un guide pratique du parfait panneauteur rédigé, pour offrir une route homogène et balisée avec rigueur.Avec un visuel par type de giratoire et un fléchage des rétrécissements, c’est un millier de cette signalétique spécifique qui est utilisée pour commencer, sur les 189 ronds-points et les 123 rétrécissements recensés. La méthode porte ses fruits et la collaboration est reconduite.
Les premières éditions voient les équipiers du Ministère s’adapter et les patrouilles s’aguerrir. Les points durs à baliser augmentent, en parallèle de la forte progression des aménagements urbains, giratoires en tête. En 1995, la France en compte déjà 12000, destinés à casser la vitesse et à réduire les accidents graves aux intersections.
On estime aujourd’hui leur nombre entre 30 et 40000, ce qui nous vaut d’être traités de champions du monde du « round about » par nos voisins européens, bien moins amateurs que nous de ces installations pour empêcheur de tourner en rond.
D’année en année, la quantité de giratoires évolue donc à la hausse, régulièrement, inéluctablement. A partir de 2004, leur nombre a doublé sur le tracé de la course et la barre des 300 est franchie.
Décentralisation oblige, au milieu des années 2000, l’Equipement et ses DDE cèdent leur place aux Départements. Mais quels que soient les gestionnaires des réseaux, les ronds-points s’imposent au quotidien à l’entrée de nos villes et sur la route du Tour.
En 2008, les 400 sont atteints, bientôt dépassés sur les éditions suivantes. Face à l’inflation galopante des équipements routiers, autant d’obstacles pour le peloton, il est décidé d’enrichir la gamme de panneaux, à partir de 2012. Les ralentisseurs font leur apparition dans la déjà longue litanie des points durs. Les virages serrés et les terre-pleins-centraux s’invitent également à la fête.
En 2013, les passages à niveau suivent. 1200 points durs recensés pour 2500 panneaux cette année-là ! La boulimie des chiffres oblige à étoffer les équipes et les matériels. Les fourgons se remplissent de ces pancartes jaunes, qui font la joie des collectionneurs, au même titre que les fameuses flèches parcours. De six permanents en 1996, on passe à huit, puis à une douzaine. Les horaires de pose s’étendent et on croise maintenant les « Patrouilleurs avant » de l’Assemblée des Départements de France et leurs fourgons fluo dès potron-minet, à l’heure où blanchit la campagne. Dernières marottes des élus locaux après la mode des ralentisseurs, dos d’âne et des coussins berlinois, voici venu le temps des balisettes, qui poussent comme du chiendent à l’entrée des villages même les plus reculés du territoire. Pour une poignée d’euros, un édile peut hélas en saupoudrer sa commune à volonté et les planter à chaque coin de rue… Des aménagements le plus souvent aussi sots que grenus, aussi dangereux qu’inutiles !
Et la tendance haussière ne semble pas vouloir faiblir, bien au contraire. De 300 points durs à surveiller en 1996, on est passé à près de 2300 cette année. 630 terre-pleins, 700 giratoires, 430 ralentisseurs, 5450 panneaux à poser, soit 260 en moyenne par étape.
En 25 ans, les passages dangereux ont été multipliés par 7 et les panneaux par 6 !
Les chiffres donnent le tournis et apportent également un éclairage particulier sur un principe de précaution parfois érigé au rang de dogme par les autorités, qui inventent et multiplient les « pif paf » et les aménagements biscornus. A poursuivre ainsi cette louable mais inaccessible quête du risque zéro, on comptera bientôt plus de points durs à sécuriser sur une étape du Tour que de camping-cars dans la (double) montée du Ventoux !

évolutions des points durs de 1996 à 2021

Tout connaître sur les routes du Tour avec André Bancalà
linkedin twitter: @AndreBancala


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